Un virage en épingle à cheveux

Je crois que j'ai trouvé ce week-end la réponse à une des questions que je ne me pose pas vraiment mais qui est bien là dans ma tête. Je pourrais là maintenant vous faire une pseudo-analyse psychologique de mon moi intérieur, de mon vécu profond, des traumatismes liés à ma petite enfance, comme par exemple :

Le jour où ma mère a accepté de me préparer (à ma demande) un verre de jus de pamplemousse, si amer que je n'ai pas pu le boire et que j'ai essayé de forcer en douce ma petite soeur à le boire (échec, ma mère est intervenue).

Ou le jour où j'ai perdu ma petite soeur dans le lit pourtant pas si grand des grandes soeurs dans lequel nous dormions ensemble alors qu'elles étaient en colonie (elle s'était retournée dans son sommeil, avait la tête à la place des pieds, et ma mère m'a retrouvé en train de défaire le bas du lit pour retrouver sa tête).

Ou le jour où Soeur 4 s'est fait renverser par une voiture alors que nous rentrions de l'école, et où je hurlais "Maman" sans qu'un seul son sorte de ma bouche (que des bleus pour ma soeur, je vous rassure)

Ou ... Ou ... Ou ... (j'en ai à la pelle des pseudo-traumatismes de la sorte)

Mais bon je ne suis pas psychologue, psychiatre ou quoi que ce soit, et puis au final ce serait assez chiant. Donc en fait je me suis soudainement posée la question "pourquoi est-ce que je ne donne pas l'adresse de ce blog à mes soeurs ?".

Il n'y a rien de vraiment secret ou honteux dans ce que j'écris, je ne raconte pas (trop) de choses compromettantes sur ma famille, et puis elles sauraient ce que je fais et pourquoi au jour le jour ou presque.

Parce qu'au final ce qui crée vraiment de la distance dans une famille, dans un couple, ou avec des amis, c'est justement ne pas se raconter les petites anecdotes quotidiennes. A force de ne partager que des moments d'exception, on ne partage plus rien.

A ma décharge, je ne peux pas passer ma vie au téléphone à raconter à ma Maman, puis à chacune de mes soeurs, tout ce qui se passe, et ce quotidiennement, ni même une fois par semaine. Manque de temps et d'argent pour ça.

Je pense qu'une des raisons pour lesquelles je ne l'ai pas fait, c'est d'une part que je n'avais pas forcément envie que mes parents aient une réelle idée de la vie de "débauche" que je mène ici (débauche toute relative par rapport à d'autres expatriés de ma connaissance, mais débauche quand même par rapport au reste de la famille somme). Mais au final, il n'y a rien vraiment dont je devrais avoir honte.

Une autre raison c'est une "peur de l'échec". Et si par exemple les choses vont mal avec Petit Chaton et que les projets tombent à l'eau. Ben au final ce serait pas dramatique non plus (pas dramatique que mes soeurs le sachent je veux dire, parce que si, plus de Petit Chaton, ce serait quand même dommage).

Une dernière raison, c'est que je pense que même si on est une famille très unie, on parle peu entre nous (même entre soeurs) de ce qui se passe dans notre for intérieur. Attention, je ne pense pas qu'on devrait tous absolument tout se dire sur tout. Mais par moment, dire les choses permet aussi d'y voir plus clair.

Alors voilà après un petit entretien avec Jack (merci à toi), j'ai finalement décidé de sauter le pas. Aujourd'hui je donne l'adresse à Soeur numéro 6. Et demain aux autres soeurs (je fais ça par étape, c'est un peu dur à sortir). En leur demandant de ne pas en parler à mes parents (certaines choses pourraient les affoler, je préfère leur en parler de vive voix). Ca ne changera pas ma façon de m'exprimer. Ca ne changera pas ce que je raconterai. Mais peut-être ça changera d'autres choses qui ont plus de valeur.

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